La nuit des temps de Barjavel

La nuit des temps de René Barjavel est une œuvre majeure de la science fiction française, Prix des libraires en 1969. Pour ma part, tout comme lors de ma première lecture lorsque j’avais 18/20 ans, j’ai adoré ce roman mais pas pour les mêmes raisons qu’à cette époque.

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Titre : La nuit des temps

Auteur : René Barjavel

Editeur : Pocket

Pages : 394

Année de parution : 1968

Genre : Science fiction, littérature française

L’histoire


Pôle sud, une expédition scientifique fait une étrange découverte : sous une épaisse couche de neige, un émetteur envoie un signal. Et les relevés indiquent qu’il y a été placé il y a plus de  900 000 ans ! Démarre alors une véritable mission à laquelle se rallient tous les états pour dégager et ouvrir l’étrange œuf qui révèle la présence de deux humains, un homme et une femme, dans un état de léthargie. Les scientifiques parviennent à réveiller la femme. Elle est parfaite , belle, d’une intelligence supérieure, et elle s’appelle Elea. Elle leur fait part des connaissances avancées et des technologies de son époque et notamment de l’équation de Zoran , une équation mathématique qui permet de créer de la matière à partir de l’énergie universelle. Cette équation intéresse immédiatement tous les Etats car elle est la promesse d’une révolution pour notre monde, pour que chaque individu puisse voir l’ensemble de ses besoins  vitaux comblés. Mais seul l’homme encore endormi connaît la clé de cette équation. Pendant que les scientifiques tentent de le réveiller, et que les tensions montent entre les Nations pour savoir qui possédera ces nouvelles connaissances, Elea leur relate la grandeur et la chute de sa civilisation.

Attention si vous n’avez pas encore lu ce très beau roman, mon avis contient une analyse  qui dévoile un peu l’histoire !

Mon avis


Si mon roman ce roman préféré de Barjavel reste Ravages (dont j’adore l’ambiance post apocalyptique), j’ai tout de même un énorme coup de cœur pour La nuit des temps !

Commençons par le style assez original. En effet, Barjavel adopte différents points de vue : tantôt un narrateur extérieur qui décrit les événements à la manière d’un documentaire, tantôt un style journalistique avec des interview d’inconnus dans la rue ou la vision d’une famille lambda qui suit l’expédition à la télévision, tantôt une intrusion dans la mémoire d’Elea qui fait le récit de sa vie ou dans les pensées de Simon.

Le récit est rythmé et le style fluide mais on sent que ce roman était à la base un scénario de film. J’ai eu du mal à rentrer dans les descriptions du monde de Gondawa et l’appui d’images m’aurait bien aidé.

Attachons nous maintenant au fond de l’histoire. J’ai adoré ce roman, que je lisais pour la 2nde fois et là encore (comme ce fut le cas pour Jane Eyre) cette relecture m’a permis de m’attarder sur des aspects différents par rapport à ma 1ere lecture.

A l’époque, j’avais été charmée par la grande et belle histoire d’amour entre Elea et Paikan. Dans la grande tradition littéraire des amants maudits, tels Roméo et Juliette, Elea et Paikan sont prêts à braver tous les dangers pour préserver leur amour.

Je dois avouer que cette fois ci, c’est au contraire la partie qui m’a le moins plu. La philosophie de l’amour parfait ou deux êtres, désignés par un ordinateur en fonction d’une définition génétique de leur personnalité, ne font plus qu’un, s’appartiennent corps et âme et partagent les mêmes pensées m’a laissée un peu dubitative.

Par contre, j’ai adoré la mise en opposition des deux civilisations séparées par 900 000 ans. Au départ, j’ai trouvé que cela aboutissait à une critique de notre société ou les états sont en concurrence constante pour s’accaparer les richesses et les connaissance, quitte à sacrifier au passage des vies humaines.

En comparaison, la description de Gondawa faite par Eléa nous rappelle le mythe de l’Atlantide, une civilisation plus évoluée technologiquement qui vivait en paix et en harmonie. Grâce à l’équation de Zoran, équation mathématique universelle, « ce qui n’existe pas existe ». Ainsi, dans ce monde idéal, tous les besoins de chaque individus peuvent être remplis et donc les habitants vivent en équité et en harmonie avec la nature.

Dans cette société, existe une répartition égale des richesses :

Chaque vivant de Gondawa recevait chaque année une partie égale de crédit, calculée d’après la production totale des usines silencieuses. Ce crédit était inscrit à son compte géré par l’ordinateur central. Il était suffisant pour lui permettre de vivre et de profiter de tout ce que la société pouvait lui offrir.

Il n’y a pas de pauvre et pas de riche :

Il n’y avait pas de pauvres, il n’y avait pas de riches, il n’y avait que des citoyens qui pouvaient obtenir tous les biens qu’ils désiraient.

Cette civilisation est écologique, la pollution n’existe pas :

Les usines silencieuses et sans déchet fabriquaient tout ce dont les hommes avaient besoin.

Les humains vivent en harmonie avec la nature. Ils ne mangent ni ne chassent les animaux pas plus qu’ils ne consomment de végétaux.

Le jour se levait. Un oiseau qui ressemblait à un merle mais dont le plumage était bleu et la queue frisée, se mit à siffler du haut de l’arbre de soie. De tous les arbres de la terrasse et de ses buissons de fleurs, des oiseaux de toutes les couleurs lui répondirent. Pour eux, il n’y avait pas d’angoisse, ni dans le jour, ni dans la nuit. Il n’y avait pas de chasseur en Gondawa

Mais plus j’avançais dans le récit, plus je m’interrogeais sur le côté véritablement idéal de cette société. Un monde géré par un ordinateur, où les individus sont fichés et assujettis à la machine par une clé (portée en bague), où la nature est modelée par l’Homme, où l’amour est une équation mathématique…est-il si utopique ? D’ailleurs, si cette civilisation était si parfaite, on peut se demander pourquoi il existe des « sans clé »? Pourquoi cette civilisation si sage a eu besoin de créer des armes si puissantes qu’elles peuvent anéantir un monde ? Pourquoi  tous les couples ne peuvent accéder au bonheur absolu ? Et quand les choses vont un peu moins bien, les hommes ne commettent ils pas exactement les mêmes exactions ?

La fin du roman met en parallèle notre civilisation qui, 900 000 ans après celle de Gondawa, s’apprête à commettre les mêmes erreurs, comme si le récit fait par Eléa n’avait servi à rien

Au final, j’ai donc ressenti cette histoire, pas tant comme une mise en cause de notre société, que de l’humain en général. Gondawa n’était qu’une utopie et l’Homme, de quelque siècle qu’il vienne, possède en lui des qualités intrinsèques qui à la fois lui permettent de survivre et de se développer mais en même temps le poussent à la destruction de ce qui l’entoure et donc à sa propre destruction.

C’est donc une vision assez sombre de l’Humanité que nous donne Barjavel, nuancée par les dernières lignes qui sont peut-être une note d’espoir ?

Si ce roman s’inscrit dans son époque avec de fortes références à la guerre froide et à la course à l’armement, en particulier à l’arsenal nucléaire, j’ai trouvé que les questionnements qu’il soulève sont toujours (bien malheureusement) d’actualité !

 

17 commentaires

  1. Bravo pour cette chronique ! Très jolie, comme d’habitude.
    J’ai, moi aussi, adoré ce roman. Je le trouve très beau et il dit beaucoup de choses sur la société.
    Tu me donnes vraiment envie de le relire.

    Aimé par 1 personne

    • Merci . C’est vrai qu on est sans cesse pris par de nouvelles lectures et qu’on ne prend pas toujours le temps de relire des livres qu’on connaît déjà. Et pourtant c’est un tel plaisir de se replonger dans ces grands classiques !

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  2. Comme toi, j’avais lu plusieurs de ces romans à l’époque du lycée, et je me suis replongée dans L’Enchanteur récemment: il est vraiment magique ! Mais je ne crois pas que j’avais lu celui-ci, il donne envie 🙂

    Aimé par 1 personne

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