Voici un poème de Gérard de Nerval (1808-1855) dont j’ai beaucoup aimé la thématique. Dans son recueil Les Chimères, le poéte s’interroge sur cette propension de l’humanité à se placer au dessus de toute autre chose. Dans ce poème en particulier, il s’attache à chaque élément, animal ou végétal et rappelle que tout est lié et que l’homme appartient à un grand Tout.

Vers dorés
Homme ! libre penseur – te crois-tu seul pensant
Dans ce monde où la vie éclate en toute chose :
Des forces que tu tiens ta liberté dispose,
Mais de tous tes conseils l’Univers est absent.
Respecte dans la bête un esprit agissant…
Chaque fleur est une âme à la Nature éclose ;
Un mystère d’amour dans le métal repose :
Tout est sensible ; – et tout sur ton être est puissant !
Crains dans le mur aveugle un regard qui t’épie :
À la matière même un verbe est attaché…
Ne la fais point servir à quelque usage impie.
Souvent dans l’être obscur habite un Dieu caché ;
Et, comme un œil naissant couvert par ses paupières
Un pur esprit s’accroît sous l’écorce des pierres.
Gérard de Nerval, 1808-1855, « Vers dorés ».