Les sept femmes de Barbe Bleue et autres contes merveilleux d’Anatole France

Cette semaine, je m’amuse à découvrir les différentes versions du conte de Charles Perrault Barbe bleue. Après la version originale vue hier, c’est aujourd’hui une vision totalement différente du conte qui est faite par Anatole France qui nous présente Barbe bleue comme une victime des femmes.

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Titre : Les sept femmes de Barbe Bleue et autres contes merveilleux

Auteur : Anatole France

Editeur : Ebook gratuit

Pages : 111

Parution : 1886

Genre : Littérature française, Contes, Classique

 

Mon avis


Ce recueil d’Anatole France regroupe 4 contes que je vais vous présenter dans l’ordre du livre.

Les sept femmes de Barbe Bleue

Anatole France revient ici sur le conte publié par Charles Perrault en 1697 en soutenant une toute autre thèse. Alors que Perrault semblait situer l’histoire bien avant son époque et ne nommait Barbe bleue que sous ce surnom, Anatole France, lui, part sur l’idée que Barbe bleue a bel et bien existé et veut le réhabiliter.

Vers 1650 résidait sur ses terres, entre Compiègne et Pierrefonds, un riche gentilhomme nommé Bernard de Montragoux, dont les ancêtres avaient occupé les plus grandes charges du royaume. […] Beaucoup d’habitants de la contrée ne connaissaient M. de Montragoux que sous le nom de la Barbe -Bleue, cas c’était le seul que le peuple lui donnât. En effet, sa barbe était bleue, mais elle n’était bleue que parce qu’elle était noire, et c’était à force d’être noire, qu’elle était bleue.

On est donc en présence d’un gentilhomme, riche, discret, timide, bien fait de sa personne et simplement affublé d’une barbe d’un noir si profond qu’elle en parait bleue. On est bien loin de l’idée d’un monstre tel qu’il est couramment présenté.

Puis Anatole France nous relate la triste vie conjugale de Barbe Bleue qui cumule les échecs amoureux et les épouses. Toutes sont vraiment des plus étranges et c’est toujours le pauvre Barbe bleue qui fait les frais de leurs disparition.

La 1ere épouse est une montreuse d’ours qui le quitte une nuit pour repartir en tournée dans le pays. La 2nde épouse, alcoolique, se noie par accident. Sa 3ème épouse meurt de la jaunisse. Sa 4ème épouse, fille d’un officier de cavalerie, le trompe avec tous les gentilshommes du royaume et se fait tuer par l’un d’eux. Pour son 5ème mariage il épouse sa cousine, une jeune femme douce mais tellement sotte qu’il ne peut s’empêcher de la gifler dès qu’elle ouvre la bouche. Celle-ci disparaît dans les bois. Sa 6ème épouse, une jeune orpheline qui se destinait au couvent, lui refuse les plaisirs de la chair si bien que Barbe-bleue, excédé, finir par demander l’annulation du mariage.

Après quelques années de célibat, le malheureux décide tout de même de retenter sa chance en amour et d’épouser une des sœurs Lespoisse. Son choix se porte sur Jeanne qui est malheureusement déjà amoureuse d’un jeune chevalier. Mais intéressée par la fortune de Barbe bleue, elle accepte tout de même de l’épouser. Elle profite d’un voyage de celui-ci pour mettre au point un plan machiavélique afin de le tuer et de profiter de ses fortune. Elle prétend que le petit cabinet renferme les cadavre de ses précédentes épouses et fait assassiner Barbe bleue par ses frères sous prétexte de légitime défense.

C’est un total retournement de situation par rapport au comte de Perrault. De manière un peu ironique, me semble-t-il, Anatole France adresse une mise en garde aux hommes contre les femmes cupides qui ne les épousent que pour leur argent.

A découvrir demain, la version plus moderne et féministe de Barbe bleue par Amélie Nothomb.

 

Le miracle du grand Saint Nicolas

A l’occasion d’un voyage, l’évêque St Nicolas découvre dans la cave d’une auberge les corps de 3 enfants. Il s’agit de 3 enfants abandonnés par leurs parents qui ont été assassinés par l’aubergiste. St Nicolas les ressuscite et décide de leur donner une bonne éducation. Mais malgré l’amour de leur nourrice et la patience de l’évêque, chacun des enfants tourne mal. Le 1er, brutal et emporté, commet viols et meurtres. Le 2nd, cupide, mène l’évêque à la ruine et le dernier devient le maître à penser d’une secte qui ravage le pays.

Un conte philosophique intéressant qui nous donne à réfléchir sur l’inné et l’acquis, sur l’origine du mal, sur les limites de l’éducation.

 

Histoire de la Duchesse de Cigogne et de M. De Boulingrin qui dormirent cent ans en compagnie de la Belle-au-bois-dormant

Je dois avouer que je suis un peu passée à côté de ce conte auquel je n’ai pas trouvé grand intérêt.

Il s’agit ici aussi d’une réinterprétation d’un conte de fées, La belle au bois dormant, mais narré du point de vue de ceux qui, dans le château, ont été endormis en même temps que la princesse Aurore.

La chemise

Cette nouvelle est celle qui m’a le plus plu du livre.

Un roi s’ennuie au point de tomber dans une sorte de neurasthénie. Face à l’échec de ses médecins à le guérir, il consulte un éminent savant qui lui conseille de porte la chemise d’un homme heureux afin que sa peau en aspire les particules de bonheur. Le ministre et son conseiller partent donc à la recherche d’un homme heureux. Mais la tache s’avère finalement beaucoup plus difficile qu’ils ne l’auraient cru.

Ce qui me frappe, c’est de voir que les hommes ont, pour souffrir, des motifs contraires et des raisons opposées. J’ai vu le prince des Estelles malheureux parce que sa femme le trompe, non qu’il l’aime, mais il a de l’amour propre, et le Duc de Mauvert malheureux de ce que sa femme ne le trompe pas et le frustre ainsi des moyens de relever sa maison ruinée. Celui-ci est excédé par ses enfants ; celui-là se désespère de ne pas en avoir. J’ai rencontré des bourgeois qui ne rêvent que d’habiter la campagne et des campagnards qui ne pensent qu’à s’établir à la ville. J’ai reçu la confidence de deux hommes d’honneur, l’un, inconsolable d’avoir tué en duel l’homme qui lui avait pris sa maîtresse ; l’autre désespéré d’avoir manqué son rival.

[…]

Les visiteurs qu’ils rencontrèrent  dans ces diverses maisons n’étaient pas moins malheureux, désolés, enragés. La maladie, les peines de cœur, les soucis d’argent les rongeaient. Ceux qui possédaient, craignant de perdre, étaient plus infortunés que ceux qui ne possédaient pas. Les obscurs voulaient paraître, les illustres paraître d’avantage. Le travail accablait la plupart, et ceux qui n’avaient rien à faire souffraient d’un ennui plus cruel que le travail. Plusieurs pâtissaient du mal d’autrui, souffraient des souffrances d’une femme, d’un enfant aimé. Beaucoup dépérissaient d’une maladie qu’ils n’avaient pas mais qu’ils croyaient avoir ou dont ils craignaient les atteints.

Avec beaucoup d’ironie, Anatole France nous offre une vaine quête du bonheur et un dénouement qui joue sur l’absurde .

Un petit conte philosophique qui nous interroge sur la notion de bonheur et sur la rareté de celui-ci.

 

Informations complémentaires


Biographie d’Anatole France

Né à Paris, le 16 avril 1844.

Poète de l’école parnassienne, il collabora au Journal des Débats, au Journal officiel, au Temps, etc. ; il a écrit des études biographiques et de critique littéraire et publié divers romans : Le Crime de Sylvestre Bonnard, couronné par l’Académie, Les Désirs de Jean Servien, Thaïs, Le Lys rouge, etc.

Il a été élu à l’Académie française le 23 janvier 1896 au premier tour par 21 voix contre 12 à Francis Charmes en remplacement de Ferdinand de Lesseps, et reçu le 24 décembre 1896 par Octave Gréard. Anatole France a pris parti dans les luttes politiques qui ont divisé la France à la fin du XIXe et au commencement du XXe siècles ; il a publié des articles dans les journaux et prononcé des discours à l’occasion de ces événements, notamment à l’enterrement d’Émile Zola et à l’inauguration de la statue d’Ernest Renan à Tréguier. Prix Nobel de Littérature (1921).

Mort le 12 octobre 1924.

source : Académie Française

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