Barbe bleue d’Amélie Nothomb

C’est la troisième fois depuis le début de la semaine que je vous parle de Barbe-bleue, mais cette fois-ci c’est de la version réinterprétée par Amélie Nothomb en 2012 qu’il s’agit. Et je dois dire que sa vision du conte, qui va à contre courant du récit d’origine, m’a beaucoup plu !

Barbe-bleue

Titre : Barbe bleue

Auteure : Amélie Nothomb

Editeur : Le livre de poche

Pages : 128

Parution : 2012

Genre : Littérature francophone, Conte, Contemporain

 

L’histoire


Saturnine, une jeune belge de 25 ans travaillant à Paris à l’Ecole du Louvre, tombe un jour par hasard sur une annonce pour une colocation à bas prix pour une chambre de 40 m²  dans un magnifique hôtel particulier des beaux quartiers. Une quinzaine de femmes se bousculent pour rencontrer le maître des lieux, un aristocrate espagnol de 44 ans. Contre toute attente, c’est Saturnine qui est choisie pour la colocation. Elle s’en réjouit malgré les rumeurs de disparition des précédentes locataires.

Elle fait, le soir même, la connaissance du propriétaire, Don Elemirio Nibal y Milcar, un original qui vit retranché chez lui depuis de nombreuses années. Une étrange relation s’instaure entre eux et Saturnine va chercher à découvrir ce qui est arrivée aux précédentes locataires de la chambre.

 

Mon avis


On retrouve dans ce roman toutes les caractéristiques de la plume d’Amélie Nothomb.

Tout d’abord, on reconnaît son goût pour les prénoms alambiqués : Saturnine, Proserpine, Incarnadine, Térébenthine, Mélusine, Albumine, Digitaline… Ensuite, le champagne a une importance toute particulière dans l’histoire. On ressent l’amour de l’auteure pour ce breuvage qui est mis à l’honneur avec de jolies citations.

Vous qui êtes obsédé par l’or, ne savez-vous pas que le champagne en est la version fluide ?

Le roman est court, comme toujours chez Amélie Nothomb et se lit très rapidement. Il est principalement axé sur les dialogues entre Saturnine et Don Elemirio. Les échanges sont vifs, les répliques fusent et, à ce jeu, c’est Saturnine qui a le dessus. Malheureusement, j’ai parfois trouvé ces dialogues un peu surjoués et manquant de naturel.

Enfin comme souvent dans les romans d’Amélie Nothomb, la fin m’a semblé un peu abrupte et précipitée

Mais venons-en au vif du sujet : Barbe-bleue ! Amélie Nothomb dépoussière le conte en le transposant au 21ème siècle.  Point de château mais un magnifique appartement dans les beaux quartiers parisiens. Point de mariage mais une alléchante proposition de colocation pour un loyer dérisoire. Quand à Barbe bleue, il n’a plus de barbe mais est représenté sous les traits d’un séduisant quadragénaire issu de l’aristocratie espagnole. Il garde tout de même un côté étrange et effrayant en raison de la disparition des précédentes colocataires et de sa passion pour l’inquisition espagnole.

L’originalité vient surtout du personnage de Saturnine. Dans la version de Charles Perrault, c’est une jeune fille naïve, légère, effrayée par son époux. Saturnine, au contraire, est une jeune femme réfléchie, sûre d’elle, courageuse. Don Elemirio ne lui fait pas peur. Elle lui répond, le reprend, le questionne ouvertement. Elle peut même se montrer assez méprisante envers lui.

– Si vous me croyez malfaisant, pourquoi restez-vous ?

-Parce que je bénéficie ici d’un confort extraordinaire. Parce que je ne suis pas du genre à m’intéresser à votre chambre noire. Parce que dès demain, vous commanderez de grands champagnes.

-En somme, vous m’appréciez ?

-Je n’ai pas dit cela , mais je n’ai pas peur de vous.

Mais, comme son « ancêtre », et malgré ses dénégations, elle est curieuse. Dotée d’un esprit fin, elle a tout de suite compris que la chambre noire est un piège tendu par Don Elemirio pour tester ses colocataires. Malgré tout, au fil du temps, elle est de plus en plus tentée de découvrir ce qui se cache exactement dans cette pièce.

Peu à peu un lien étrange se noue entre les deux protagonistes. On assiste à un jeu du chat et de la souris mais  qui est le chat et qui est la souris ?

Ce roman donne matière à réflexion sur de nombreux sujets : si les femmes de Barbe bleue ne s’étaient pas montrées curieuses, cela implique-t-il que celui-ci ne serait pas devenu un tueur en série ? La tentation de pénétrer dans la pièce secrète serait-elle aussi forte s’il n’y avait pas d’interdit ? Peut-on aimer, en connaissance de cause, un meurtrier qui a tué de sang froid ? Qui est le plus coupable : celui qui tombe dans le piège ou celui qui le tend ? Comment naît la folie, quel est l’élément déclencheur ?

Enfin, j’ai beaucoup apprécié l’esthétique de ce roman, le travail sur les couleurs, leur harmonie, leur symbolisme.

En conclusion : un roman que j’ai trouvé très intéressant dans sa vision moderne et féministe de Barbe bleue.

 

Informations complémentaires


Bibliographie d’Amelie Nothomb

Hygiène de l’assassin (1992) – Le Sabotage amoureux (1993, Prix Jacques Chardonne) – Les Combustibles (1994) – Les Catilinaires (1995) – Peplum (1996) – Attentat (1997) – Mercure (1998) – Stupeur et tremblements (1999, Grand prix du roman de l’Académie française) – Métaphysique des tubes (2000) – Cosmétique de l’ennemi (2001) – Robert des noms propres (2002) – Antechrista (2003) – Biographie de la faim (2004) – Acide sulfurique (2005) – Journal d’Hirondelle (2006) – Ni d’Eve ni d’Adam (2007, Prix de Flore) – Le fait du Prince (2008) – Le voyage d’hiver (2009) – Une forme de vie (2010) – Tuer le père (2011) – Barbe bleue (2012) – La nostalgie heureuse (2013) – Pétronille (2014) – Le crime du comte Neville (2015) – Riquet à la houppe (2016) – Frappe-toi le coeur (2017) – Les prénoms épicènes (2018)

14 commentaires

  1. J’avoue que je n’ai plus tellement en mémoire ce roman. Tu me donnes envie de le relire et de me rafraîchir la mémoire… Je vais essayer de le relire ce week-end.
    Je suis d’accord avec toi sur les fins trop précipités… C’est trop vrai…

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